Johan Passave-Ducteil, LE Nanterrien

À l’aube de mettre un terme à sa carrière de basketteur professionnel, Johan Passave-Ducteil, l’un des joueurs emblématiques du club, revient sur son parcours sous le maillot vert et blanc. Un témoignage à cœur ouvert, riche en anecdotes et en beaux souvenirs pour Le DUC. 

8 juin 2013, qu’est-ce que cette date t’évoque ? « J’imagine la victoire finale en championnat de France face à Strasbourg. Je vais être honnête, je n’avais pas la date en tête (rires). C’est l’avènement du club, tout simplement. Déjà en 2011, avec le titre de champion de France en Pro B, on se disait que c’était le maximum. La saison d’après, on joue le maintien et, lors de la saison 2012/13, on est champions de France de première division ! C’est juste invraisemblable ce qu’il s’est passé. Même si nous, les joueurs, savons que nous nous sommes battus et que nous le méritons, en prenant du recul, on se dit : « Mais comment est-ce possible ? »

 

@Nanterre92

Dix années se sont écoulées depuis le sacre de Nanterre 92. Aujourd’hui, quels sont tes souvenirs de cette saison 2012/13 ? « Si je me rappelle bien, nous avons mal débuté cette saison. Il y a eu des problèmes internes et dans l’effectif. Les arrivées de Trent Meacham, David Lighty et Chris Warren ont tout changé. Pour parler des play-offs et de la première série à Gravelines, je me rappellerai toujours de cette phrase de Stephen Brun qui fait référence au film « Les Bronzés font du ski » : “On ne sait jamais, sur un malentendu, ça peut marcher… » Pour moi, c’est l’élément déclencheur. On n’avait rien à perdre dans ces play-offs et quand tu joues le premier de la saison régulière, chez lui, et que tu le bats, et que lors du match 2 tu passes, dans une salle que je n’avais jamais vue comme ça, c’est dingue et ça donne du peps ! Le tour d’après, Chalon-sur-Saône, qui sortait de sa saison légendaire avec les trois trophées, c’est pareil, tu te dis qu’on va essayer et rebelote, on gagne là-bas puis chez nous pour se retrouver en finale du championnat de France face à l’armada de Vincent Collet, la SIG Strasbourg ! Avec des joueurs comme Alexis Ajinça, Romain Duport, les frères Greer… l’équipe faisait vraiment peur (rires). Le scénario est génial ! Lors du premier match, on se fait éclater et je pense que le match était tellement déséquilibré qu’inconsciemment, ça nous a servi. On était vexés, piqués et on ne voulait pas ternir l’image qu’on avait donnée pendant les play-offs. On a réussi à gagner le match deux avec de la personnalité et du caractère. À partir du moment où les deux matchs d’après se jouaient chez nous, pour moi, c’était le déclic. La délocalisation à la salle Coubertin, on a l’impression d’être dans une arène ! Il n’en fallait pas plus pour terminer le travail à la maison. J’ai toujours connu cette salle en bleu et blanc mais là, en vert et blanc, j’en ai même des frissons quand j’en parle ! C’était incroyable. Cette soirée du 8 juin, l’épopée et les célébrations, c’était juste parfait. »

 

« Faire partie de cette histoire, c’est une très grande fierté pour moi. » 

 

Tu es le seul joueur de cette équipe de 2013 à avoir joué à l’Arena en 2018. Aujourd’hui, tu es là pour fêter le 10e anniversaire. Peut-on parler d’une fidélité rare pour un joueur de basket envers son club de cœur ? « Quand tu regardes bien, d’autres joueurs ont fait plus que moi dans le championnat. Mais, là où j’ai eu de la chance, et là où, quelque part, ça gratifie mon travail et celui de Pascal Donnadieu, Franck Le Goff et tous les coéquipiers avec qui j’ai gagné des titres, ça montre l’esprit de la gagne et l’envie d’aller chercher des trophées pour le club. Faire partie de cette histoire, c’est une très grande fierté pour moi. J’ai eu la chance d’être là et ça prouve bien que la fidélité, c’est important dans le sport. Je suis fier et honoré. »

Célébration des 10 ans du titre de Champions de France à Paris La Défense Arena – @loicwacziak

Tu as un parcours atypique puisque tu n’es pas passé par un centre de formation. Comme le club, tu n’étais peut-être pas forcément attendu au plus haut niveau. Trouves-tu des similitudes entre vos parcours ? « Encore une fois, que ce soit moi ou Pascal, on a grandi ensemble et avec le club. C’est lui qui m’a débridé et donné cette confiance ultime qui m’a fait penser que j’étais le meilleur intérieur français ! Il m’a donné de la confiance et je lui ai rendu. Personnellement, ça m’a permis de dépasser toutes mes espérances. »

Ton histoire en tant que joueur de Nanterre a duré six saisons, tu as remporté six titres et obtenu deux sélections au All-Star Game. Tu es le joueur le plus titré de l’histoire du club et l’un des plus emblématiques. Qu’est-ce que ton passage au club t’a apporté ? « Déjà, ça me fait plaisir d’entendre ça. C’est très flatteur à l’aube de ma fin de carrière, ça me rend très nostalgique. Il faut savoir qu’ici, je suis devenu un homme et un père. Ma fille est née en 2011 et mon fils en 2015. J’ai beaucoup d’attaches au niveau personnel et au niveau professionnel avec Nanterre. J’étais très investi pour la ville et les gens m’ont très bien accueilli. J’avais une relation particulière avec le maire et le coach Pascal Donnadieu. C’est vrai que quand on dit Nanterre, on pense à la famille Donnadieu et je leur dois beaucoup, mais je suis allé chercher les choses et c’est un travail commun bénéfique pour tous. » 

« Pendant mes six années à Nanterre, je me suis donné à fond, j’ai donné du cœur et je n’ai jamais calculé. »

 

Certains fans le disent, tu es le joueur qui représente le mieux Nanterre. L’un d’entre eux a même dit que tu mériterais une statue… Il rigole avant de répondre. « Je suis d’accord avec le fait, mais je ne me permettrais jamais de dire quoi que ce soit. Ce qui était important pour moi, c’est que les gens reconnaissent mon travail sur le terrain. Les goûts, les préférences, ça dépend des supporters. C’est une victoire que ceux qui m’ont vu jouer ou ont juste entendu parler de moi reconnaissent mon travail. Tout ce que je sais, c’est que pendant mes six années à Nanterre, je me suis donné à fond, j’ai donné du cœur et je n’ai jamais calculé. Ça m’a permis de m’épanouir et de prendre du plaisir. Gagner autant de trophées en si peu de temps, ça veut dire quelque chose. »

Tu es actuellement dans ta dernière saison en tant que basketteur professionnel. Quel bilan tires-tu de ta carrière ? « J’essaie de vivre au jour le jour, de profiter et de ne pas trop planifier. Quand tu vieillis, tu es un peu plus dans l’émotion (rires). Plus sérieusement, j’ai longuement mûri cette décision. Physiquement, je sais où j’en suis. Je ne voulais pas faire l’année de trop où je me sentirais cramé et surtout, terminer au plus haut niveau français, ça me tenait à cœur. J’ai encore une mission, celle de maintenir Fos-sur-Mer en Betclic Élite. Le bilan, j’y penserai après. »

Quels sont tes projets pour la suite ? « Je suis actuellement en cursus scolaire à l’école de management de Grenoble pour obtenir un DESMA (M2 parcours Management Stratégique des Achats en alternance) que je vais valider cet été, ou pas. Mes examens seront au mois de juillet. La deuxième chose, c’est qu’à l’été 2015, après ma blessure, j’ai eu la chance d’être consultant télé, donc c’est quelque chose que je garde de côté. Pour le business, c’est mûrement réfléchi et préparé, mais je préfère garder ça pour moi. »

 

@Nanterre 92 

Peux-tu me donner l’équipe type de tes coéquipiers à Nanterre ? « Whoa, je vais avoir des problèmes. » Ironise Johan avant de répondre. « En meneur de jeu, je vais mettre Trent Meacham. C’est un joueur qui m’a permis de me canaliser et surtout de progresser en anglais. On avait un rituel en début de match, je pensais qu’il me disait “sois pas bête », mais il disait “mets-toi en mode guerrier”, donc on a eu un fou rire et ça a duré trois/quatre matchs. C’était notre truc à nous. Pour le poste 2, Jamal Shuler, parce qu’on avait une relation particulière, nous étions proches et nos filles aussi. En ailier, Lahaou Konaté, qui a rejoint Levallois (rires). Au poste 4, on avait une relation chien et chat, mais je vais dire Stephen Brun. Pour dire la vérité, notre relation était bénéfique. Nos prises de tête, on en avait besoin, lui comme moi, pour se stimuler un peu. C’est un très bon basketteur qui m’a permis d’être bon. Au poste 5, je vais dire Mam’ Jaiteh. Ce que j’ai adoré avec lui, c’est que je l’ai accueilli en tant qu’enfant à sa sortie de Boulogne-sur-Mer. On a même été roommates en déplacement. Voir ce qu’il a accompli et comment il a grandi… Il a quand même dit que l’adversaire le plus dur qu’il ait eu, c’était moi à l’entraînement, et ça, c’est très flatteur. Pour le banc, Heiko Schaffartzik, Xavier Corosine, Guillaume Pons, Marc Judith, Juan Palacios et le facteur X, Jérémy Nzeulie, en sixième homme. »

 

« Il sait que quand il faut gagner et aller chercher un trophée, il peut compter sur moi. » 
 

Tu as dit sur un de tes posts Insta que c’était Pascal Donnadieu qui avait réussi à te mettre en confiance. Parle-nous de ta relation avec ton ancien coach ? « Pas beaucoup de monde ne comprenait notre relation. Personnellement, je la définis comme père/fils. Malgré les prises de tête, on avait le même objectif : la gagne, et c’est ça que j’adore avec Pascal. Le meilleur exemple pour montrer, c’est lors de la finale à Trabzon en 2015. Ce week-end-là, je me sentais nul. Arrive la finale et n’importe quel autre coach ne me met pas sur le terrain, moi-même je ne m’aligne pas. Je vous promets, il restait trois/quatre minutes et avant de retourner sur le terrain, Pascal me dit : “Bon, tu vas nous aider à gagner quelque chose ou ?” Et ça, ça me pique ! Il me fait rentrer et donc je suis obligé de lui rendre. Grâce à un rebond et une passe pour T.J. Campbell, j’ai sauvé mon week-end et j’ai gagné une coupe d’Europe (rires). Cette opportunité qu’il m’a donnée, pas tout le monde ne l’aurait fait. C’est ça notre relation, la confiance. Il sait que quand il faut gagner et aller chercher un trophée, il peut compter sur moi. »

Lors de tes passages à Nanterre, quelles sont les personnes qui t’ont le plus marqué humainement et sportivement ? « Pendant l’épopée de 2011, je suis obligé de parler de Guillaume Pons. C’est un peu grâce à lui que je suis arrivé à Nanterre. Il était capitaine et c’était mon roommate. Je sortais de deux saisons compliquées à Limoges avec deux défaites en finale de Pro B face à Poitiers et Pau… C’était un capitaine exemplaire. En 2013, David Lighty ! Son histoire est touchante. Ses débuts avec nous sont compliqués et ce qui est arrivé à sa maman, c’est tragique. Nous étions tous avec lui pour l’aider et il nous l’a bien rendu en finissant MVP des finales avec des play-offs fantastiques. J’ai adoré jouer avec Heiko… »  

Célébration des 10 ans du titre de Champions de France à Paris La Défense Arena – @thinlay.svphotographie

Pour finir, un petit mot sur le match à l’Arena ? « Ce que j’avais adoré lors de mon premier passage à l’Arena, c’était l’accueil du Racing. Je me rappelle avoir fait quelques actions avec eux et de la visite des vestiaires. Les infrastructures sont exceptionnelles et l’évènement en lui-même avec le show autour, c’était exceptionnel. Bien évidemment, le scénario du match aussi où nous gagnons d’un point (81-80). »

Qu’est-ce que ça représente pour vous,  joueurs, de jouer dans une telle enceinte ? « C’est un peu le rêve ultime pour ceux qui n’ont pas eu la chance de jouer en NBA. Je me suis senti dans des conditions similaires avec une salle pleine et une ambiance de dingue !  Tu voudrais que tous les matchs de championnat se jouent comme ça ! J’ai savouré l’évènement, je me rappelle qu’il y a Javier Pastore (ancien joueur du PSG) qui est venu et que j’ai pu faire ma petite photo avec lui. La communion avec les supporters est géniale aussi. C’est une expérience à vivre. »

@thinlay.svphotographie


Interview réalisée par Martin Tchoukanov
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